Ce cours est intitulé : Architecture et Nature, stratégies territoriales et géopolitiques. Il s'agit d'introduire avec ce cours mes recherches sur la végétation comme agent politique.
Je mets en avant la compétition internationale à l’époque de la première globalisation par les plantes menée par les grandes nations européennes en montrant la place de la finance à partir du XVIIéme siècle avec la création des bourses, la spécialisation sur des valeurs et la commercialisation de la dette des pays européen. L'objectif est aussi de montrer que la mise en œuvre d'un système globalisé mondial passe aussi par la mise en œuvre de propriétés intellectuelles et la « starisation » des acteurs que sont les botanistes et des naturalistes. Ce cours permet de comprendre la construction du monde par la plante. Et tout particulièrement la construction des paysages urbains et ruraux par une économie mondialisée dans les nouveaux territoires colonisés.
Pour comprendre la politique de la végétation, je repars dans ce cours de Carl Von Linné et de sa première classification des plantes mais aussi de la plantation coloniale. J'explique comment la plante est à la base du système coloniale et sa construction, comment la micro-échelle du plant, de la plante que l'on acclimate et exploite industriellement dans la plantation construit la puissance territoriale européenne. Car c'est bien le plant de canne à sucre ou de café à l'échelle du sillon et de l'espacement des rangs de plants qui normalisent l'espace tout autour d'eux1 : le champ, les bâtiments techniques mais aussi l'infrastructure, les entrepôts et les villes supports.
La colonisation a représenté pour l’aménagement du territoire, une opportunité exceptionnelle. Les colonies ont été utilisées comme des espaces d’expérimentation importants car le territoire y est «pensé» comme un espace vide et nouveau où tout est possible. C'est précisément là, dans cet espace colonial sans contre-pouvoir que le rôle de l’architecture a été pleinement exercé comme instrument parfait pour augmenter la capacité de contrôle sur ce territoire, le rendre transparent.
Nous voyons dans ce cours comment les sciences naturelles et l'architecture ne font alors plus qu'un. Elles s'associent pour devenir les deux principaux outils de la colonisation. Elles fabriquent toutes deux ces espaces nouveaux. Si le projet colonial naît à partir de la plante et de l'espacement entre deux plantes (pour assurer un rendement optimal) alors c'est bien cet espacement entre les plantes, puis par déduction entre les corps pour assurer une bonne séparation des populations d'esclaves et de dirigeants, puis par déduction entre les plantations elle-même pour que les esclaves ne puissent pas communiquer entre eux, qui fabrique la règle du jeu de l'architecture coloniale. Et cette architecture qui a la force de positionner, d'espacer, d'ordonner, d'attribuer une place à chaque chose devient à ce moment là, un outil de programmation du territoire redoutablement efficace. De coloniale elle devient mondiale, à l'image de la plantation qui est le premier modèle d'architecture mondiale. Ainsi envahir et transformer un espace afin de contribuer à l'augmentation de la productivité et à l’amélioration du contrôle devient intrinsèque à l'acte architectural lui-même. Cette action est de fait identique à la définition même de la colonisation : mise en valeur des pays devenus colonies2. Ainsi on ne peut pas décoloniser l'architecture. Aujourd'hui c'est l'architecture mondiale qui est devenue coloniale. C'est l'architecture des colonies qui s'est propagée en Europe, elle est réintégrée dans l'urbanisation, les logements, les équipements sportifs, les usines, le système carcéral, le système éducatif ...
Redéfinir l'architecture à partir du détail des dispositifs architecturaux, nous permet de comprendre ces dispositifs comme la résultante d'un champ de forces économiques et politiques parle de contrôle des mouvements des personnes et d’augmentation de la productivité. C'est ce champ de forces que ce cours cherche à mettre en évidence en l'analysant afin de comprendre la machine architecture en tant que dispositif et outil de contrôle d'un territoire et non en terme d'esthétisme. L'analyse du système de production devient un outil d'investigation essentiel pour comprendre l'architecture.