Séminaire 2024-2025 : FORME, TYPE, LIEU
Enseignants:
Paolo Amaldi
Giovanna Marinoni
Grégoire Bignier
Martine Weissmnann
Serge Clavé
Présentation:
La notion d'archétype renvoie à des modèles architecturaux « forts » qui traversent mutatis mutandis l'histoire de l'architecture. Ce séminaire a pour but d’initier un travail de recherches à partir de l’étude d’un corpus d’œuvres et d’auteurs majeurs qui recoupe trois situations géographiquement et culturellement caractérisées.
La première est la montagne, la seconde la Méditerranée entendue comme littoral et enfin la troisième est la Méditerranée entendue comme une forme d'urbanité alternative à celle que nous connaissons en Europe occidentale (de fondation romaine). Ces trois situations peuvent d’ailleurs être contiguës, imbriquées voire réunies dans une seule entité, il suffit d’observer le territoire des Pyrénées orientales ou des Alpes plongeant dans la Méditerranée, en France, et plus largement le socle du bassin méditerranéen, au relief très prononcé, pour constater que mer et montagne ne font qu’un, en produisant les paysages grandioses que nous connaissons tous. Le travail acharné pour domestiquer des pentes abruptes et pour recueillir et redistribuer l’eau sur les cultures en terrasses constitue le premier acte de construction pour habiter les lieux.
Le premier objectif de ce séminaire est d'analyser les relations qui existent entre l'identité d'un territoire - à savoir sa topographie (et son substrat géologique) autant que son climat - et l'édification qu'il faut comprendre comme façon de construire à petite et grande échelle et/ou d'équiper le territoire d'infrastructures. Sachant qu'aujourd'hui la notion d'infrastructure paysagère n'est plus associée à l'idée d'un artefact lourd et pesant, qui a connu son apogée au XIXème et au XXème. La question sous-jacente est : comment l'homme domestique-t-il un site, le rend-il habitable ou traversable ? Mais aussi comment l'architecture peut-elle faire site ? Quelles sont les conditions nécessaires pour que l’architecture et le site ne fassent qu’un ? Quelles complémentarités peuvent se jouer entre l’homme, construisant son espace de vie, et la nature en place ?
Le deuxième objectif de ce séminaire vise à montrer la pertinence paysagère territoriale ou climatique d'un édifice en tant que figure architecturale. Qu'est-ce une figure ? C'est un schéma formel qui résume les caractère distributif, constructif et spatial d'un objet en regard d'un usage et d'une fonction donnée et d’une spatialité à plus grande échelle, celle allant du seuil, ou de l’ouverture, jusqu’à l’horizon. Quelle est la nature du rapport entre le proche et le lointain ? comment l’objet architectural dialogue avec les autres objets, structures et autres composantes de l’écosystème en place ?
Le troisième objectif de ce séminaire consiste à mettre en avant les rapports qui se nouent entre des formes d’habitat, des traditions constructives, des matériaux et de ressources utilisées. En traversant le territoire de la Méditerranée du littoral jusqu’aux Alpes nous allons faire émerger des situations climatiques et environnementales différentes qui conditionnent la forme, la construction et la figure de l’habitat et plus généralement les modes d’habiter, l’organisation des espaces, la gestion des ressources, les aménagements.
Situations : la déclivité du terrain amène à retenir les terres, ériger des murs ou une digue, ou bien à construire des ponts, des viaducs. Il existe des types spécifiques d'édifices ou d'équipements publics qui ont vu le jour dans les montagnes et dans les régions en altitude : centres aérés, colonies de vacances, sanatoriums. Ces architectures de tourisme liés à la santé et à l'exposition au « bon air », suivent un dessin et des formes caractérisés qui ont précédé la réalisation au XXème siècle des stations de ski, lieux de villégiature pour le plus grand nombre. Le littoral a été le lieu également de recherches typologiques nouvelles. L’habitat balnéaire concentre une suite extraordinaire d’expérimentations et d’innovations architecturales et urbaines, depuis l’essor de la villégiature des bords de mer au XIX siècle. Les années 1960 sont marquées par une pensée à grande échelle de certaines stations balnéaires qui transforme ce type d'équipement en « paysage architecturé ».
Troisième périmètre de la Méditerranée : la ville du Maghreb dont la Casbah a été utilisée par certains architectes comme Aldo van Eyck pour repenser la notion de voisinage dans un tissus urbain plus informel et ouvert. Au XXème siècle, au sortir de la deuxième Guerre mondiale, l’architecture moderne s’empare de la Méditerranée tant dans le domaine de l’architecture que de l’urbanisme. La lumière crue, la mer, cet horizon dans laquelle les montagnes se jettent fascinent et conduisent au développement de projets manifestes. Le concept de Nappe, de Cluster et de MAT Building développé par Alison Smithson repose sur une nouvelle conception de la ville - plus adhérente à certaines préoccupations d'ordre social qui s’inspirent fortement de cet habitat dense du Maghreb et de sa ' clarté labyrinthique'.
Aujourd’hui la nécessaire économie de ressources nous oblige à reconsidérer les solutions adoptées dans différentes situations et à différentes époques pour réinterroger les formes, les spatialités et les agencements et redéfinir les modalités et les concepts à l’œuvre dans des projets de construction. Certaines solutions dites « vernaculaires » vont être réactivées et/ou associées dans le processus de renouvellement de la forme et des modes d’habiter, d’autres concepts, plus « romantiques », alliant l’ingénierie et la scénographie des paysages peuvent également constituer des sources d’inspiration et d’expérience de projet.
« Au cours des années, je suis devenu un homme de partout, écrit Le Corbusier en 1965. J'ai voyagé à travers les continents. Je n'ai qu'une attache profonde : la Méditerranée. Je suis un Méditerranéen, très fortement marqué par la Méditerranée, reine de formes et de lumière. La lumière et l'espace.
Le fait, c'est le contact pour moi en 1910 à Athènes. Lumière décisive. Volume décisif : l'Acropole. Mon premier tableau peint en 1918, la Cheminée, c'est l'Acropole. Mon Unité d'habitation de Marseille ? C'est le prolongement ».