Fiche d'objectifs pédagogiques rédigée par Maya NEMETA
L’heure est aujourd’hui à la transformation des édifices existants et des territoires urbanisés : la densification de la ville y pousse, la réflexion sur la durabilité y conduit. A la fois sociale et environnementale, l’urgence est double : il y a nécessité d’équiper la ville et d’augmenter l’offre en logements, notamment dans les territoires les plus tendus ; tout en réduisant l’extension urbaine et l’artificialisation des terres , malgré la pénurie de foncier.
La transformation, par le changement d’usage d’édifices arrivés au terme de leur cycle de vie, ou dont la fonction est désormais obsolète, offre alors une réelle alternative à la production de constructions neuves. Il ne s’agit ainsi plus d’étendre la ville, mais bien de la « réparer », de faire sur et avec le déjà-là, pour l’équiper, et inventer de nouvelles manières de l’habiter.
Il nous faut pour cela prendre la mesure des préexistences, et éprouver la capacité des structures à être transformées : les édifices remarquables, enclaves ou délaissés urbains, mais aussi le bâti plus ordinaire. La reconquête d’emprises industrielles, la densification du tissu pavillonnaire, la réhabilitation des grands ensembles, ou encore la transformation de bureaux vacants en logements constituent autant de terrains d’exploration possibles.
Ce semestre de S5 propose de s’intéresser en particulier à la dimension publique du projet de transformation, en développant un programme d’équipement public. Il s’agit de partir de l’appréhension d’un site urbain constitué, situé en première ou deuxième couronne parisienne, pour élaborer des stratégies de projet adaptées, et imaginer, à partir de la transformation d’un ou plusieurs édifices existants, de nouvelles architectures du « commun ».
Le travail de projet sera enrichi d’un regard historique, grâce à des interventions d’enseignants du champ HCA, ainsi que de contenus techniques relatifs aux ambiances et à la structure avec des interventions d’enseignants du champ STA.
Penser le projet à partir de l’exploration du territoire
Le semestre commence par un travail d’arpentage et d’investigation d’un quartier, commun à tout l’atelier, afin d’appréhender les lieux et d’envisager le projet à l’échelle de la ville, de ses habitants, des usages et des temporalités. Notre prise en compte du « déjà-là » dépasse ici le cadre bâti, et considère plus largement l’humain : habitants, associations et autres acteurs de l’aménagement urbain, favorisant des approches bottom-up et non pas top-down.
Ce premier temps d’investigation, mené en petits groupes par les étudiant.e.s, permet la compréhension des sites de projet pour en faire le relevé, afin d’être ensuite à même d’en imaginer la transformation. L’objectif de cette démarche est d’aller « au contact » pour proposer une architecture de sens pour son territoire d’accueil. Il ne s’agit donc pas de répondre à une commande donnée, qui aurait été formulée préalablement, mais plutôt d’inviter les étudiant.e.s à explorer et à enquêter, pour développer une hypothèse programmatique qui leur est propre et imaginer un équipement adapté aux besoins du territoire et de ses usagers.
Poser la question constructive, entre pérennité et adaptabilité
Après une réflexion engagée à l’échelle du territoire, l’approche proposée consiste à envisager la structure des édifices comme matière même du projet, dans un souci de pérennité et d’adaptabilité, pour poser à la fois la question constructive et celle de l’économie de moyens. La phase de diagnostic est ainsi déterminante : il ne s’agit pas de s’obstiner à « forcer » un bâtiment dont la transformation requerrait tant d’énergie qu’elle pourrait se révéler absurde, mais au contraire, d’identifier les atouts de l’édifice, et en particulier de sa structure : l’épaisseur du bâti, le dimensionnement des trames, la hauteur libre sous plafond et, bien sûr, la qualité des matériaux. Car c’est bien le système structurel d’origine qui permet, ou non, la réversibilité des bâtiments, jusqu’à devenir, parfois, un véritable levier de projet. L’objectif est alors pour les étudiant.e.s de proposer des stratégies de projet pertinentes et adaptées, poursuivant la logique structurelle de l’édifice ou, au contraire, qui parviennent à s’en affranchir : par l’évidement ou la soustraction, par l’addition ou l’extension, ou encore par la surélévation. Il s’agira, à chaque fois, de s’appuyer sur l’existant pour réinventer de nouvelles architectures.
Valoriser la transformation comme processus et comme projet d’architecture à part entière
L’atelier de projet favorise enfin l’engagement et les prises de position critiques, en demandant aux étudiant.e.s une attitude prospective et de recherche. Il s’agit de considérer le projet comme la base d’un processus ouvert questionnant la temporalité d’un édifice, sa capacité à se transformer, à favoriser la mutualisation des structures (préexistantes ou non) comme la réversibilité des usages, à anticiper la versatilité de la commande comme celle de la destination, au regard de la permanence des formes, des structures et des matériaux, pour engager une réflexion plus large sur la notion de durable. L’économie (des ressources, de la matière, de la mise en œuvre) et le temps (temporalités d’usages, de phasage, cycle de vie des édifices) constituent autant d’éléments qui peuvent être intégrés au processus de projet.
Enfin, la transformation est ici envisagée comme un projet d’architecture à part entière : Comment révéler les traces d’un « déjà-là » ? Comment intervenir sur l’existant pour le détourner, le transformer, le transfigurer, afin de permettre de nouveaux possibles ? Et surtout, comment, dans un processus de transformation, faire « acte de création » ?