- DE3 Experimental - Dispositifs - Fabrications - numériques
- PFE
MAZEVET Thibault
Solitude(s), le refuge vagabond
2021
Directeur(s) d'étude(s) : Catherine RANNOU
Enseignants : Catherine RANNOU, Marc DILET, Vincent LAUREAU
Le refuge, par ce qu'il offre et ce qu'il cherche à être est une typologie riche de sens - tant dans sa dévotion à accueillir celui ou celle qui le demande, que dans le soin qu'il accorde au lieu, au territoire dans lequel il se trouve. En mettant à distance de ce qui nous agresse, le refuge se propose comme un moment d'intimité où le monde que l'on cherche à fuir, se voile. Il ne disparaît pas, mais nos yeux ne le regardent plus. Notre corps n'en fait plus partie. Ils sont tournés au-dedans du refuge. Ils sont tournés vers ce qu'offre le refuge, c'est-à-dire un lieu, une place.
Le refuge nous situe avant toute chose. Cette capacité à nous extraire de ce qui nous agresse ne naît donc pas d'une abstraction mais bien d'un enracinement. En nous donnant la possibilité d'être accueilli, d'être sauvé, le refuge nous permet d'être présent. Dans son soutien, il nous permet d'être là. Dans son réconfort, il nous permet d'être avec. Habiter, c'est être présent au monde et à autrui1
Le refuge nous donne l'opportunité d'habiter en profondeur, en radicalité avec le monde. Il ne s'écrit pas hors du lui. Il cherche à s'écrire en son cœur. Habere n'est pas d'abord "avoir" mais "se tenir". Habitus désigne la manière d'être, ce qu'on appelle de façon révélatrice l'aspect extérieur, le dehors. Habiter n'est en rien posséder, s'installer, se protéger. c'est au contraire s'exposer au dehors. 2
En voulant nous rendre présents, le refuge nous engage intimement vers le monde dans lequel il s'inscrit. - Engagement sensible du corps.
En voulant nous rendre là, le refuge nous dépose dans les traces du territoire dans lequel il se trouve. - Regard "au dedans". En voulant nous rendre avec, le refuge nous offre un dialogue silencieux avec la coexistence des deux motifs, l'un mélodique évoquant les agencements de l'oiseau, l'autre rythmique, profonde respiration de la terre. 3- Silence d'un dialogue ouvert.
En nous offrant cette parenthèse au temps, le refuge nous pose dans la seule habitation de l'instant. Il nous détache de la rumeur du monde pour nous offrir à ce qui est. En dévoilant le caractère expressif du territoire, la vérité de son être, son étant, le refuge nous rend présents. La présence, c'est la certitude intuitive de votre être-là, c'est le moutonnement impassible de la mer sous votre regard, c'est le sourire du visage aimé qui vous reconnaît, c'est l'inexplicable de cette orange posée là sur votre table, c'est l'évidence du chemin sur lequel vos pas vous portent, c'est la fin de vos questions et leur remplacement par votre accord à ce qui est. [...] Et c'est alors que vous connaissez, dans l'effondrement de toutes choses, la plus forte jubilation de votre vie : tout d'un coup, la révélation de l'être.4
1. PAQUOT Thierry, Demeure terrestre, ed. Terre Urbaine, 2020
2. GOETZ Benoit, La dislocation, ed. Verdier, 2008
3. DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, "De la ritournelle", Capitalisme et schizophrénie, Mille plateaux 2, ed. de Minuit, 1980
4. DETHURENS Pascal, L'émerveillement, De la présence dans la poésie et l'art modernes, ed. L'atelier contemporain, 2019